Avec le vieillissement de la population et la difficulté pour des couples d’acheter leur première résidence, il est de plus en plus commun de voir des parents faire une donation de leur résidence à leur enfant et à la bru ou au gendre ou contribuer à la construction d’une maison intergénérationnelle, , en échange d’un droit d’habitation leur vie durant. Cela fait l’affaire de tout le monde, jusqu’à…
Dans l’affaire Dufour c. Dufour[1], la juge Carole Therrien doit trancher une dispute familiale justement entre deux générations.
En 1989, les parents Dufour (ci-après les Dufour) vendent leur maison et utilisent les profits pour construire une annexe à la maison de leur gendre (M. Chartrand). Un puits alimente la maison et M. Chartrand demande qu’un deuxième puits soit creusé, ce qui est fait.
En 1994, le premier puits se tarit, et les deux maisons sont desservies par le puits des Dufour. Il y a une porte dans le mitoyen du sous-sol qui n’est pas verrouillé et que tous utilisent.
En 2000, les Dufour, M. Chartrand et leur fille signent un acte de donation par lequel les parents donnent la maison à leur gendre, en contrepartie d’un droit d’habitation leur vie durant. Il y a des ententes pour le paiement des taxes municipales, les travaux à faire sur la maison, etc.
Tout va bien jusqu’en 2009. Voici ce qui arrive :
- Les Dufour appuient leur petite-fille dans un conflit qui l’oppose à ses parents (soit le gendre et leur fille) – la communication est coupée
- Mme Dufour fille commence à soupçonner que sa mère vole de la viande de son congélateur.
- La porte mitoyenne est verrouillée du côté Chartrand/Dufour
- La mère Dufour ne parle plus à sa fille, et la fille Dufour se sent épiée par sa mère
- En 2010, la mère Dufour écrit au courrier du coeur au sujet de la mésentente avec sa fille et petite fille – la fille Dufour est outrée et envoie une mise en demeure à sa mère lui demandant de s’excuser (aucune excuse n’arrive)
- Les parents Dufour écrivent à leur fille et au gendre par avocat, afin qu’ils cessent de les importuner.
- Une autre lettre est envoyée par eux demandant d’installer une pompe pour leur usage;
- Par la suite, le gendre dépose une demande à la Régie du logement pour la résiliation du bail et l’expulsion des Dufour; cette demande est refusée, car la Régie du logement n’a pas de juridiction;
- Le gendre et la fille Dufour s’absentent l’été, et les Dufour coupent l’eau;
- La mère Dufour décède; le gendre et la fille Dufour ne sont pas informés directement.
- Dufour barre la porte du mur mitoyen, empêchant ainsi accès où se trouve la pompe à eau;
- Il y a des disputes autour du stationnement;
- Le gendre sciera donc le loquet et laisse une note au beau-père;
- Le beau-père appelle la police et le gendre est accusé d’introduction par effraction (cause pendante);
- Le gendre et la fille Dufour se présentent devant la Cour avec une requête pour interpréter la clause de l’acte de donation, et bref, de mettre dehors son beau-père
- Le beau-père (âgé de 88 ans) demande des dommages moraux.
Et… la juge conclut qu’elle ne peut pas évincer le beau-père, mais modifie le contrat de donation pour permettre accès aux installations de pompage, et ordonner le partager du paiement des travaux majeurs, et, surtout, ordonne aux parties d’avoir recours à un médiateur avant de judiciariser un différend…
Conclusion : Pensez-y deux fois avant de faire la vie intergénérationnelle…
[1] 2016 QCCS 1928
Commentaires récents